13 novembre 2025. Place de la République Ó Jean-Claude Djian

Dix ans après les attaques de Paris, la mémoire du 13 novembre 2015 reste vive. Une décennie passée à panser les plaies, à comprendre, à transmettre. Au-delà des commémorations, une question persiste : comment transformer l’horreur en leçon collective sans céder à la peur ? Entre mémoire, littérature et devoir de vigilance, la France cherche encore le sens de cette nuit.

Lieux des attentats du 13 novembre 2015

La nuit où tout a basculé

Que faisiez-vous le vendredi 13 novembre 2015 ? Où étiez-vous ? Quelle mémoire vous en reste-t-il ? Selon Météo France, c’était un vendredi de novembre, presque doux. Pour certains, ce fut : un concert, un dîner entre amis, un match de foot, quelques rires sur une terrasse. Puis, ce grondement au loin, les notifications, la stupeur. 21h17 Une première explosion retentit aux abords du Stade de France, pendant le match amical France-Allemagne. 21h20 Un tireur ouvre le feu à l’arme automatique sur les clients du bar Le Carillon dans le XIe arrondissement, à l’angle des rues Bichat et Alibert, puis sur le restaurant d’en face, le Petit Cambodge. La fusillade fait 14 morts. 21h30 Fusillade rue de la Fontaine au Roi, les balles atteignent les clients de la pizzeria Casa Nostra. Cinq morts. 21h40 19 personnes meurent mitraillées sur la terrasse du café La Belle Équipe, au carrefour de la rue de Charonne et de la rue de Faidherbe. 21h50 Après environ 45 minutes de concert du groupe Eagles of Death Metal, plusieurs hommes armés à visage découvert ouvrent le feu dans la salle du Le Bataclan aux cris de «Allah Akbar». 23h50 François Hollande apparaît sur les chaînes de télévision. Il déclare l’état d’urgence. Les hôpitaux déclenchent le plan Blanc d’urgence et de crise. 00h20 à 00h50 Assaut du Raid au Bataclan et évacuation des rescapés. 14 novembre 12h00 L’Etat Islamique Daech revendique l’ensemble des attentats.


Ce soir-là, 130 vies s’éteignent, plus de 400 personnes sont blessées et toute une société vacille. Dix ans plus tard, les images restent gravées : les bougies, les fleurs, les regards perdus. La France s’est relevée, mais elle n’a rien oublié. « C’est toute la nation qui se souvient et se recueille. » Déclare ému le président de l’association « 13ONZE15 », Philippe Duperron, dont le fils Thomas a perdu la vie au Bataclan « Au cours de ces dix années passées, nous nous sommes relevés, nous avons fait face, la colère s’est apaisée (…) mais les cicatrices demeurent indélébiles », a-t-il déclaré  soulignant que le jardin mémoriel serait « un lieu où la vie est présente par les symboles de lumière, d’eau de végétation, un lieu où la vie renaît à chaque printemps ». Et d’ajouter : « Dans ce jardin fleuri ce soir, ils sont avec nous. »

Dix ans après, que reste-t-il de nos peurs ?

L’étude du Crédoc sur la mémorisation des attentats du 13 novembre 2015 révèle que cet événement occupe une place majeure dans la mémoire collective française, citée comme le plus marquant depuis 2000 par plus de la moitié de la population. Toutefois, cette mémoire sociale s’affaiblit avec le temps mais peut se raviver lors de moments médiatiques forts, comme les procès ou commémorations. L’étude souligne aussi une cristallisation de la mémoire autour de certains lieux, notamment le Bataclan, au détriment d’autres sites des attentats. Cette concentration crée une double peine pour certaines victimes, qui risquent d’être oubliées dans le récit collectif. Enfin, la mémoire est marquée par des disparités sociales, étant plus vivace dans certains milieux que d’autres.

Boualem Sansal, la littérature comme alerte

En octobre 2015 Boualem Sansal voyait venir la tempête dans son roman 2084. La fin du monde, il décrivait une dystopie islamiste où la foi écrase la liberté de penser. Pour lui, le fanatisme prospère sur le renoncement à l’esprit critique et sur l’oubli des Lumières. L’auteur précise « Dans un monde né de la religion, tout messager est un prophète, tout accompagnateur est un apôtre qui revient de loin ; qui s’interroge et discutaille est un hérétique. » Dix ans plus tard, son avertissement résonne plus fort que jamais.
La lecture de Sansal rappelle que le combat contre l’obscurantisme n’est pas seulement sécuritaire : il est intellectuel, culturel, éducatif. L’école, l’art, la littérature restent nos meilleures armes.

Ne pas oublier, c’est déjà résister. Défendre les valeurs de la République, c’est les incarner chaque jour : dans la liberté de rire, de débattre, de se rencontrer, d’aller à un concert ou de boire un café en terrasse.
Face à la violence et à la haine, l’éducation reste le rempart essentiel. C’est aux jeunes que revient la mission de porter ces valeurs, ciment vivant de notre démocratie. La France, terre de musique, de plaisir et de parole libre, doit rester ce qu’elle est : ouverte, vigilante, humaine. Toutefois, on se doit de rester sur nos gardes. Trois femmes radicalisées ont été mises en examen début novembre pour avoir projeté une action jihadiste à Paris. Il faut continuer à se souvenir, à vivre contre vents et marées, selon la devise de Paris : Fluctuat Nec Mergitur « Il est battu par les flots, mais ne sombre pas ».

Jean-Claude Djian

Une réponse à « 13 novembre, dix ans après : la France debout, les yeux ouverts »

  1. Magnifique texte qui nous rappelle l’essentiel. Défendre et cultiver la liberté.

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