
La Fête de l’Humanité a résonné jusque dans le Village du livre. Entre signatures d’auteurs et débats, Monique Pinçon-Charlot y a livré une plaidoirie sans concession autour de son ouvrage Les riches contre la planète, accusant le « capitalocène » d’offrir aux ultra-riches la prospérité au prix du chaos climatique.
Vendredi 12 septembre, au Village du livre, le silence se fit rare. Devant une foule d’habitués, de jeunes militants et de familles curieuses, Monique Pinçon-Charlot d’un ton calme mais ferme a exposé son constat : le chaos écologique n’a rien d’une fatalité naturelle. « Ce n’est pas l’humanité dans son ensemble, mais quelques classes privilégiées qui produisent cette catastrophe . C’est un système hautemement prédateur qui concerne toutes formes du vivant. Les humains et la Nature » , insista-t-elle. L’auditoire hochait la tête étonné, partagé.
Dans la poussière de l’A69
L’exemple est devenu classique, presque caricatural. Sur la scène du débat, Monique Pinçon-Charlot cite les bulldozers de l’A69 : cette autoroute, longtemps dénoncée pour son impact environnemental, continue de creuser la terre et d’artificialiser les paysages, au profit d’intérêts privés et de lobbies du bitume. « Derrière la société Atosca qui a obtenu pour 55 ans la concession de l’autoroute A69, on trouve Emmanuel Miquel un ami d’Emmanuel Macron qui l’a aidé à trouver de généreux donateurs pour sa campagne de 2017 », lâche-t-elle, Le clin d’œil est limpide : on bétonne pour les plus riches, on saccage pour leurs profits, pendant que la planète suffoque.
L’empreinte carbone des ultra-riches, un poids mort pour la planète
La discussion glisse ensuite vers les chiffres glaçants de l’empreinte carbone des ultra-riches. Monique Pinçon-Charlot égrène des statistiques claires et implacables : jets privés, yachts, résidences gigantesques, investissements dans des industries polluantes, autant de signes d’une déconnexion absolue avec la crise écologique. Elle souligne l’empreinte carbone des oligarques, « 10 % des plus riches, avec leur moyenne de 31 tonnes par an et par personne, représentent 47,8 %, c’est-à-dire presque la moitié des émissions de gaz à effet de serre ». Cette partie du débat fait monter la tension, le constat est terrible mais nécessaire pour affronter la vérité.
Le méga-bunker de Mark Zuckerberg
Et voilà qu’au détour d’une anecdote, la sociologue convoque la folie des abris privés. Mark Zuckerberg, fondateur de Meta, a fait ériger sur l’île de Kauai un méga-bunker de plus de 160 hectares, ultra-sécurisé jusqu’à l’obsession : chambres par dizaines, piscine, gymnase, un abri souterrain de 1 500 m², et même des cabanes dans les arbres reliées par des passerelles. Ce domaine, élargi à près de 930 hectares, absorbe des millions de dollars pour protéger une poignée d’élus des catastrophes qu’ils ont eux-mêmes contribué à provoquer. « Pendant que Zuckerberg sécurise ses arrières et que les ultra-riches cherchent des refuges apocalyptiques, le reste de l’humanité n’a même pas l’assurance d’un futur respirable », martèle l’autrice.
Capitalocène vs solidarité
Monique Pinçon-Charlot n’y va pas par quatre chemins : « Il faut en finir avec les fables de l’anthropocène. Non, ce n’est pas l’humain qui détruit tout, c’est le capital et l’organisation oligarchique du monde ». Pour elle, le capitalocène est le vrai coupable, un système fait pour les quelques dizaines de milliers qui possèdent tout. Sur la scène, elle appelle à la solidarité : « La véritable lutte climatique implique une remise en cause radicale du capitalisme et la convergence des forces, au-delà des nuances de la gauche. » Dans l’auditoire, chacun acquiesce, l’écoute suspend le brouhaha. Le débat devient collectif, urgent.
La Fête de l’Humanité 2025, Monique Pinçon-Charlot l’a traversée comme une piqûre de rappel. Derrière les concerts, les spécialités régionales et les débats, son diagnostic claque : les ultra-riches ne sauveront jamais la planète, ils cherchent juste à s’en éloigner. C’est le dernier luxe : s’isoler dans des bunkers ou imposer des projets comme l’A69, loin des regards et des conséquences. Aux chapiteaux de l’Humanité, l’appel se propage : pour survivre, il faudra briser la forteresse du capital.
Jean-Claude Djian
Les Riches contre la planète Violence oligarchique et chaos climatique – Editions Textuel, 160 pages-16,90 €
Extrait de I’interview audio de Monique Pinçon Charlot
« On est face à une classe cosmopolite, internationale, très mobilisée dans la défense de ses intérêts. Nous au contraire, nous avons une certaine énergie à rester divisés pour nous battre contre celui qui est le plus proche de nous, notre camarade plutôt que de nous battre contre cette petite oligarchie qui mène une guerre de classe en s’abritant derrière Warren Buffett qui a déclaré en 2005 « La lutte des classes existe, mais c’est ma classe, la classe des riches, qui mène cette lutte et qui est en train de gagner. » Il faut de l’espoir car notre planète est tellement belle. On n’a pas le choix, même si ça va être difficile. Je redis cette maxime de Sénèque. « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas. C’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. »





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