Deux clowns à la dérive entraînent le public dans un cabaret insolite, suspendu entre rires et mélancolie. Avec Le Cabaret néopathétique, le Théâtre de la Tempête redonnent vie à l’univers absurde de Cami, en mêlant saynètes burlesques, éclats de poésie et fragments philosophiques. Ce spectacle compose une fresque surréaliste où humour, dérision et littérature s’entrelacent dans un voyage hors du temps.

Pssitt Photo©Fanchon Bilbille
Pssitt Photo©Fanchon Bilbille

Dress code : noir, blanc, gris…

Pour ouvrir la saison 2025-2026, Clément Poirée , metteur en scène et directeur du Théâtre de la Tempête, propose une expérience théâtrale immersive avec les clowns Pssitt (Ludmilla Dabo) et Pchutt (Catherine Vinatier) et une troupe de comédiens éphémères. Le spectacle commence dès l’accueil . On entre par les loges où sont à disposition du maquillage noir et blanc et même des vêtements gris pour celles et ceux qui veulent jouer le jeu. Les comédiens, présents, interpellent le public. On entre dans la grande salle Jean-Marie Serrau transformée en cabaret-chantier, tendu de bâches de protection. Plus de scène, des tabourets, des banquettes pour s’assoir et le jeu est partout . On parle de fête, mais en couleurs tristes car sous les froufrous et les cabrioles, les propos tapent où ça fait mal. Comment rêver dans un monde qui broie l’espoir et où tout est carton pâte et tristesse paillettes ? En jouant tous ensemble, spectateurs compris, dans ce cabaret participatif où rien n’est séparé – ni la scène, ni la vie.

Extraits du Cabaret népathétique

Photo©Fanchon Bilbille

Clowns compagnons de douleur

Notre duo de clowns assiste, comme nous, au spectacle et interagissent aux saynètes. Silhouettes blafardes, compagnons de douleur, comme tirés d’un film expressionniste allemand,Pssitt et Pchutt traînent derrière elles le poids du siècle dans ce cabaret des larmes, entre les éclats absurdes de l’humoriste français Pierre-Henri Cami considéré comme « the best humorist in the world » par Charlie Chaplin et les visions pré-apocalyptiques d’auteurs comme  Melville, Daniil Harms, Tchekhov,  Kafka, Pessoa ou Hanna Krall.

Interview de Catherine Vinatier la clown Pchutt

« Quelque chose m’a touché dans le personnage de Pchutt. Je n’ai jamais joué de clown. L’Auguste, la naïve. Quand elle a peur, elle y va quand même. Quand elle pleure, elle pleure. Le texte de Cami date de 1932, l’époque de la grande crise, après le crack de la bourse de NewYork. C’était la période de la montée des fascismes en Europe. »

Cabaret de l’absurde

Ici, rien n’est linéaire ni frontal. On peut grignoter un morceau, boire un coup, se glisser entre deux tables pour sortir prendre l’air. On peut suivre les zigzags du spectacle de bout en bout qui finissent au cimetière avant de repartir requinqué en bord de plage. Le Cabaret néopathétique détourne les codes, fait de l’absurde son cheval de bataille et transforme un dîner-spectacle en manège grinçant et déséquilibré. Les acteurs font dérailler le spectacle volontairement pour mieux exorciser le monde quand il part en vrille.

Photo©Fanchon Bilbille

Pirouettes et dérision

La mise en scène de Clément Poirée capitalise sur son goût pour les formes théâtrales innovantes qui brisent la distance entre scène et salle. Trois heures, c’est un peu long mais on se laisse aller dans ce cabaret déjanté qui séduit par son surréalisme et sa liberté de ton. Mieux vaut choisir la pirouette de la dérision qu’un monde sérieux trop ordonné. Le spectacle tisse un univers surréaliste, où poésie, dérision et philosophie s’entrelacent pour faire surgir une étincelle de légèreté au cœur du tragique.

Le Cabaret néopathétique ne promet pas d’apaiser nos angoisses mais il propose mieux : les détourner, les déguiser, les chanter. Deux clowns, une Tempête sous nos crânes. Au bout du cabaret, l’espoir. Si tout est absurde, joyeusement, tragiquement absurde, il reste toujours la possibilité de jouer. Pssitt et Pchutt le rappellent : dans le grand cirque de la vie, personne n’est spectateur, tout le monde est clown.. Et comme le disait Cami « Souvent une évolution est une révolution sans en avoir l’R. »

Jean-Claude Djian

Interview de Clément Poirée

« Toute la soirée est menée par deux clowns Psitt et Pchutt, tout droit sorti d’un recueil de Cami, qui est un de nos plus grand cabaretier. Il a écrit des saynètes avec ces deux clowns qui sortent de leur cirque pour aller s’amuser dans le cirque de la vie. Elles se confrontent au monde des gens sérieux et vont de déconfiture en déconfiture. C’est un cabaret des pleurs, mais aussi un cabaret de la fuite. J’ai toujours le sentiment quand on ouvre une saison, on crée le théâtre. Ce n’est pas simplement l’addition de talents et de pièces, c’est aussi un esprit qu’on partage, c’est aussi quelque chose qu’on met en commun. »

Le Cabaret néopathétique au Théâtre de la Tempête jusqu’au 28 septembre. 2025

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